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F comme FAIRBANKS

F… comme Fairbanks1 (également graphié F comme Fairbanks2) est un film français de Maurice Dugowson sorti en 1976.

 

Un jeune chômeur, nourri de rêves et d'idéaux, perd les pédales au contact de la réalité et d'une passion d'amour désenchantée.

Surnommé « Fairbanks » par son père, projectionniste dans un cinéma, André quitte l'armée avec un diplôme d'ingénieur chimiste en poche. Il est convaincu de pouvoir trouver du travail par l'intermédiaire d'une connaissance, Etienne Lambert. Pourtant, la situation a bien évolué et André se retrouve au chômage. Il retrouve son ami Jean-Pierre, metteur en scène de théâtre, aux répétitions de son dernier spectacle. C'est au cours de l'une de ces soirées qu'André rencontre Marie, une jeune comédienne venue tenter sa chance à Paris. Ils s'aiment. Pourtant, à mesure que leur relation évolue, le moral d'André baisse...

FICHE TECHNIQUE

Réalisation : Maurice Dugowson

 

Scénario : Jacques Dugowson et Maurice Dugowson

 

Costumes : Anne-Marie Marchand

 

Photographie : André Diot

 

Son : Michel Laurent

 

Montage : Jean-Bernard Bonis

 

Musique : Patrick Dewaere et Roland Vincent

 

Production : Michel Seydoux

Sociétés de production : Caméra One, Gaumont, FR3 Cinéma

 

Pays d'origine :  France

 

Format : Couleur - 35 mm - Mono

 

Genre : Comédie dramatique

 

Durée : 110 minutes

Date de sortie : 5 mai 1976

COMMENTAIRES

Second long-métrage de Dugowson avec une partie des mêmes acteurs principaux, dont Dewaere, Miou-Miou et Jean-Michel Folon.

 

Le surnom donné par Fragman à son fils est une référence à l'acteur américain Douglas Fairbanks. « Les mythes correspondent à leurs époques. Des Fairbanks, on n'en fait plus », dira Jean-Pierre, le metteur en scène, en expliquant à Marie, qui est Douglas Fairbanks.

 

Quelques mois avant la production du film, alors que Miou-Miou vient d'être choisie pour le tournage du film D'amour et d'eau fraîche, elle tente sans succès d'imposer Patrick Dewaere pour le premier rôle3 au réalisateur Jean-Pierre Blanc qui choisit Julien Clerc pourtant acteur inexpérimenté. Le chanteur séduit Miou-Miou, laquelle rompt avec Patrick Dewaere. Le déchirement est profond et l'acteur va jusqu'à « casser la figure » du chanteur. L'affiche du film F comme Fairbanks réunit cependant Miou-Miou et Dewaere dans une histoire où la fiction rejoint la réalité. En 1992, dans le film de Marc Esposito, « Patrick Dewaere », Miou-Miou avoue combien ce tournage aura été éprouvant pour elle et pour son ex compagnon, un souvenir d'autant plus douloureux que l'acteur mettra fin à ses jours quelques années plus tard, en 1982.

 

Le 1er mars 1976, Philippe Caloni reçoit Patrick Dewaere sur France Inter pour la sortie du film La Meilleure Façon de marcher4. La journaliste Sophie Dumoulin précise qu'il vient d'achever le tournage de F comme Fairbanks de Maurice Dugowson. Il compare : « Dans le film de Claude Miller, je suis un type que rien n'abat alors que pour le film de Dugowson, je deviens fou à la fin », soulignant combien les événements dramatiques d'une existence peuvent affecter un être humain aussi fragile et sensible que le personnage de F comme Fairbanks. Concernant sa technique d'acteur, Dewaere confirme qu'il refuse de « faire semblant ». Il prétend que ce serait plus simple et qu'il procéderait ainsi par paresse. Il confirme littéralement vivre les émotions du personnage et agir en fonction du rôle. Il réfute en revanche, la notion d'improvisation et confirme un choix délibéré, une réflexion et une certaine préparation.

 

Dans le documentaire « La ballade de Fairbainks »5 réalisé par Alexandre Moix en 2004, une archive dévoile comment Patrick Dewaere incarne de son rôle. Dans l'interview, il s'exprime à la première personne, comme si le personnage parlait par sa bouche : « Moi, je suis le contraire d'un Fairbanks; C'est ce qui m'agace, en fait. Moi, je supporte pas que mon père m'appelle Fairbanks toujours... Parce que moi, il m'arrive des ennuis tout le temps... ». Il tente de se reprendre aussitôt et déclare que c'est un film où, il ne cesse de tomber, il n'a pas de boulot, sa compagne vient de le quitter, ce qui l'affecte profondément alors que selon lui, au contraire, Fairbanks réagit formidablement face aux événements, il a une posture « de gagnant, de roi, de chef » et rien ne peut l'atteindre. Dewaere poursuit : « Alors que moi, tout me diminue complètement et je finis par devenir complètement dingue à la fin ».

 

Le même documentaire met en évidence que pour Maurice Dugowson depuis longtemps, Patrick Dewaere lui faisait penser à Douglas Fairbanks et que ce sujet a été écrit spécifiquement pour lui. Film à message social comme le précédent (Lily aime-moi), F comme Fairbanks traite à nouveau du chômage, comme fléau majeur de notre époque. Selon, le scénariste Jacques Dugowson, même un héros à la carrure de Fairbanks aurait été totalement handicapé dans une telle société, ce qu'entend de démontrer le film. Le documentaire présente l'extrait d'une émission de télévision où Dewaere, interrogé en plateau par Michel Drucker au sujet du film, déclare : « être chômeur, ça finit par taper sur la tête d'un mec ». Il ajoute que c'est un phénomène qu'on vit comme un échec personnel.

 

Le producteur Michel Seydoux relate qu'il existe « une certaine souffrance dans ce film », à l'opposé du film précédent, Lily aime-moi. Une douleur que ressent aussi Michel Piccoli devant interpréter un rôle plutôt antipathique et qui hésite avant d'accepter le rôle qui sort quelque peu du genre de ses films d'alors, parmi lesquels on remarque ceux de Claude Sautet comme le souligne le scénariste.

Le producteur précise qu'en phase de préparation du film, le couple est alors encore uni. À quelques jours du début du tournage, Miou-Miou est séduite par Julien Clerc. Le couple va alors vivre et interpréter en parallèle sur les tournages et hors des plateaux, leur séparation.

Pour Jean-Michel Folon, c'est le plus beau film de Dewaere car il est chargé d'émotions vécues. Il révèle que le soir, après le tournage, la toute petite fille née de l'union avec Miou-Miou doit tantôt repartir avec l'un ou l'autre de ses parents, ce qui est déchirant pour toute l'équipe. La tragédie perceptible dans leur interprétation se mélange aux faits réels de leur propre existence, ce qui procure au film, selon Folon, une particulière intensité.

 

Lors d'une interview, Miou-Miou qui déclare que « Dewaere est l'un des plus grands acteurs » qu'elle a jamais connu, précise que devant la caméra, le couple qu'elle formait avec Dewaere était à l'unisson, en écho et en parfaite harmonie d'interprétation, y compris en improvisant parfois. Mais répondant à cette remarque de Miou-Miou, Dewaere met en lumière que l'improvisation est relativement limitée au jeu d'interprétation, du fait de la lourdeur des tournages, de la caméra, de la lumière et de la scénographie. La force intense du drame personnel que vit alors Patrick Dewaere trouve son paroxysme dans l'une des scènes essentielles du film, lorsqu'il surgit sur une scène de théâtre, interrompt la pièce où le personnage que Miou-Miou joue en public et l'entraîne en coulisse devant tous, pour régler ses comptes avec elle. Jean-Michel Folon précise que quelques instants avant de tourner ce long plan, Dewaere déclare au réalisateur qu'il ne sera en mesure de faire qu'une seule prise, compte tenu de l'intensité dramatique de la séquence. L'acteur déclare à Dugowson : « Je vais tout donner... Arrange-toi pour qu'il n'y ait personne sur mon passage ». Lors de la scène, il hurle et se précipite à plusieurs reprises, la tête en avant contre une cloison, sans qu'il soit possible d'être doublé par un cascadeur.

 

Lors d'interruptions du tournage sur un plateau, Patrick Dewaere patiente en jouant quelques airs sur un piano laissé là pour la décoration. Il compose alors directement ce qui va devenir le thème musical du film, au milieu de l'équipe technique et de production. Comme le relate le producteur, à la fin du morceau, une larme coule sur sa joue.

Jean-Michel Folon dévoile que durant cette période, l'acteur lui a confié s'être retrouvé tout seul à la cathédrale Notre Dame de Paris, au milieu de la nuit pour prier. Le documentaire s'achève sur une phrase de Jean-Michel Folon, son ami : « 'Patrick était une flamme. Une flamme, c'est fragile et ça peut s'éteindre au moindre courant d'air. Et il y a eu un courant d'air... Et Patrick s'est éteint ».

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